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(Banc titre original)

L’Opération Griffon (Greif)

À partir d’une collection d’archives de presse
patiemment récoltées et transmises à Roger Marquet par Josée Clotuche de Bastogne.
Extrait du supplément n°291 du jeudi 15 décembre 1994 du journal  ‘’L’Avenir du Luxembourg’’

DE HUY À VERSAILLES, L’US ARMY INTOXIQUÉE PAR L’ESPIONNITE

Le 8 décembre 1944, le commandement de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, avait reçu l’ordre de faire photographier trois ponts de la Meuse, en Belgique : ceux de Huy, d’Ombret-Amay et d’Engis, alors sous la garde des Américains. Goering confia la mission au détachement Sperling, qui envoya en Belgique un avion équipé d’une caméra, un Arado 234, un des tous premiers appareils à réaction conçus par les ingénieurs allemands.

Le pont de Huy en 1944 – (Photo anonyme)

Les documents photographiques, ramenés en Allemagne furent immédiatement transmis au colonel SS Otto Skorzeny, chargé par Hitler d‘une mission très particulière : conquérir rapidement les trois ponts de Meuse précités, lorsque commencerait la Bataille des Ardennes.

Otto Skorzeny – Ph.Find a Grave

Skorzeny, spécialiste d’opérations à hauts risques (il avait enlevé Mussolini alors détenu au Gran Sasso) devra s’emparer des ponts mosans en s’infiltrant secrètement avec une brigade de chars jusqu’à la Meuse, à travers les lignes américaines.
Secrètement, c’est-à-dire avec du matériel et des uniformes américains. Il protègera alors les trois ponts jusqu’à l’arrivée des premières divisions blindées allemandes, lancées sur Anvers.

Pour réussir son opération, Skorzeny a besoin de renseignements précis sur l’état et la défense des ponts qu’il doit conquérir.

Dès le 8 décembre, il est en possession des photographies aériennes prises par l’Arado 234.
Le 16 décembre au matin, Skorzeny (qui prend le nom de code « Colonel Solar ») envoie 8 équipes de commandos au milieu de la retraite américaine. Ils ne rencontrent aucun problème pour passer et s’infiltrer car l’offensive allemande a provoqué surprise et désorganisation du côté des Alliés. Au soir de cette première journée, c’est au total 6 des 8 équipes du commando Einheit Stielau qui ont pénétré avec succès les lignes alliées et qui se trouvent désormais en place le long de la Meuse.

L’une des plus belles actions a lieu le deuxième jour de la bataille : l’équipe emmenée par Fritz Büssinger passe la quasi-totalité de la journée dans la ville de Huy, à se renseigner sur les différentes positions et cela même en échangeant quelques mots avec des officiers américains… Sur le retour de sa mission, Büssinger parvient même à tromper une colonne de chars et de camions de ravitaillement, les envoyant à l’opposé de leur destination. Skorzeny découvre, cette soirée-là, à l’écoute d’une radio américaine volée, que les Américains sont à la recherche de leur propre division blindée ! Les Américains confirmèrent, longtemps après, que de nombreuses colonnes de ravitaillement avaient été déviées de leur route à cause des ordres contraires émanant des commandos Einheit Stielau. Ils réussissent également à égarer la 84th US Division, ainsi qu’à détruire quelques dépôts et positions autour de Malmédy.

Parti d’Allemagne, un de ces commandos, dirigé par Heinz Rhode, parvient sans difficultés à gagner la route Stavelot-Huy, encombrées de véhicules américains qui refluent vers l’intérieur du pays.

Ces deux commandos-espions ont échoué et sont tombés entre les mains des Américains – (Ph.SFLHG)

Arrivée à Huy, la jeep de Rhode dévale les chemin des Crépales et s’arrête dans les bosquets du parc Pierre l’Ermite. De là, les espions allemands observent le pont de Huy et son système de défense.

Un des faux chars de Skorzeny, détruit aux abords de Malmedy – Photo SFLHG

Des indications sont aussitôt transmises par radio vers l’arrière. Inutilement, car les faux chars US de Skorzeny sont bloqués aux environs de Malmedy. L’Opération Griffon échouera sur le plan tactique. Toutefois, l’infiltration de ces huit commandos de reconnaissance produira un effet psychologique considérable dans les lignes américaines.

Quelques-uns de ces espions allemands sous uniformes américains seront en effet capturés et, conformément aux Lois de la Guerre, fusillés sur le champ. (Après un rapide procès quand même).

Mais, désormais, les Américains vont voir des espions de Skorzeny partout dans leurs rangs. Ils vont alors se mettre à poser des questions sur la vie, la politique, les sports, le cinéma américains, dans le genre – ‘’Qui a gagné les dernières ‘’Base Ball World Series ‘’ ? – à tous les véhicules suspects qu’ils sont en mesure de contrôler.

Même le Général Bradley, commandant le 12th Army Group, y sera soumis.

Bradley reconnaîtra que ni les grades, ni les accréditations, ni les protestations ne furent épargnés aux combattants qui faisaient mouvement, un interrogatoire en règle à chaque carrefour. Des milliers de MP se mettent en chasse pour les dépister.

Bradley prend ce contrôle avec le sourire – Photo Getty

Nous sommes à présent le 17 décembre, les troupes Allemandes n’ont pas atteint les  objectifs fixés, à savoir les ponts sur La Meuse. Le pont d’Aywaille  enjambant l’Amblève estbien gardé. Des M.P. sont sur le qui-vive, des Partisans armés de fusils américains sont en  support et vérifient l’identité de tous les civils. Des canons de DCA, postés dans le parc,  offrent un parapluie aérien.

Monument aux Partisans Armés d’Aywaille – Photo Générations rurales

Une jeep se dirigeant vers Liège occupée par trois hommes portant l’uniforme des GIs se présente à l’entrée du pont franchissant l’Amblève. Nous n’avons aucun témoignage du  dialogue qui se noue, mais nous pouvons imaginer : qui est Minnie ? Que mange Popeye ?  Quelle est la couleur des maillots des Chicago Bulls ?  Les réponses doivent plus ou moins  satisfaire les cerbères de l’Oncle Sam, mais ici, il y a une mauvaise réponse, les passagers de  la jeep  ne connaissent pas le mot de passe journalier en vigueur dans le secteur de la First Army. C’est l’arrestation immédiate de l’Oberfähnrich  (Aspirant officier) Günther Billing, del’Obergefreiter (Caporal chef)  Wilhelm Schmidt et l’Unteroffizizer (Sergent) Manfred  Pernass.

Pour certains, la ‘’justice’’ fut plus expéditive, que ce soit un vrai espion ou un vrai Américain

( Photo Warfare History Network)

La psychose des nazis déguisés se répandit jusqu’à Paris où des mesures draconiennes de sécurité furent prises ; surtout au GQG de Versailles que les services de sécurité transformèrent en forteresse pour protéger Eisenhower (SHAEF) ; ce dont ce dernier se plaindra car il se sentait prisonnier dans son propre QG.

Les mesures ainsi prises à l’encontre des faux américains, a écrit l’historien belge Henri Bernard, vont provoquer le chaos parmi les troupes.

Toutefois, à part le chaos plus ou moins volontaire créé par les commandos de Skorzeny, ils n’obtinrent pas l’effet escompté et, en définitive, selon les sources américaines, dix-huit hommes de Skorzeny furent capturés et passés par les armes.

Exécution des trois espions allemands précités, le 23 décembre 1944 à Henri-Chapelle 

(Ware History Network)

Sources

  • Supplément au n°291 du journal ‘’L’Avenir du Luxembourg’’ du jeudi 15 décembre 1994 – Éditeur responsable : Robert Bruyr, 4500 Ben-Ahin – Réalisation : Jean-Marie Doucet & Marie-Françoise Gihousse
  • Site Internet SFLHG – WW 2 Special Forces Reenactors
  • La Bataille des Ardennes – édition Time-Life
  • Opération Greif  –  Wikipedia
  • Les Missions secrètes de Skorzeny – Otto Skorzeny – Ed. Flammarion, 1950
  • Interview d’Otto Skorzeny par Roger Gheysens, pour la RTB, le 30 mai 1969
  • World War II in pictures – site Internet

     

    La fin d’une aventure… – (Photo WW II in pictures)