par le Colonel Barney Oldfield, retraité de l’USAF
Traduction-Adaptation : Roger Marquet
Marlène Dietrich après la guerre – Photo Wikipédia
NB : Marlène Dietrich était membre de l’USO et a fait plusieurs tournées de spectacles sur les différents théâtres d’opérations. Ce faisant, elle a eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’officiers généraux et de devenir proche, très proche du Général Gavin, commandant la 82nd Airborne Division. Certaines mauvaises langues disaient qu’en changeant d’amant, elle n’avait fait que changer une lettre à son nom. Elle vivait en effet une liaison qui allait sur sa fin, avec Jean Gabin. (Gabin – Gavin)
Jean Gabin (à g.) et Marlène Dietrich (à dr.) – Photo castbox.fm
Si elle avait besoin d’un service, c’est tout naturellement vers Slim Jim (surnom du Général Gavin) et sa 82nd que Marlène se tournait. Ce qui n’allait pas toujours sans poser quelques problèmes à Gavin et à sa Division.
La mère de Marlene Dietrich, Frau von Loesch, n’était que l’un des nombreux problèmes posés à la 82nd Airborne Division pendant la Seconde Guerre mondiale en dehors des combats. Notamment ceux posés par Marlène Dietrich qui a réussi à faire monter les larmes aux yeux des Vétérans quand on leur parle d’elle.
La 82e a subi de lourdes pertes en raison de sa fermeté face à l’ennemi. Ses parachutistes ont accumulé des médailles d’honneur du Congrès, des croix de service distingués, des étoiles d’argent et des étoiles de bronze du gouvernement américain et des décorations des Pays-Bas, de la Belgique, de l’Empire britannique, de la France et de l’Union soviétique. Parmi ses morts, plusieurs milliers sont enterrés dans les cimetières d’Afrique et d’Europe.
Mais que vient faire la mère de Marlene Dietrich là-dedans ?
Marlene Dietrich, lorsqu’elle divertissait les troupes le long du front (elle jouait même de la scie musicale, croyez-le ou non) a dit à toutes les troupes de combat et aux correspondants de guerre que quiconque se rendrait à Berlin devait se rendre à une adresse qu’elle leur donnerait et demanderait Frau Von Loesch. Elle a ensuite demandé qu’un message lui soit envoyé si Frau von Loesh était en vie.
Marlène et le Général Gavin (à l’extrême droite) – (Ph. WWII 82 & 101)
Le Lt Gen James M. Gavin ayant pris sa retraite, c’est le Commandant de la 82nd Airborne Division (Général Rodriguez) et moi qui avons reçu la demande de Miss Dietrich. Un autre, le lieutenant-colonel Albert McCleery – décédé depuis – était ‘’dans le coup’’, lui aussi.
Le colonel McCleery et moi étions dans la première colonne américaine à entrer à Berlin le 1er juillet 1945. Une fois à l’intérieur des limites de la ville, le colonel McCleery se dirigea vers l’adresse de Frau Von Loesch, trouva la mère de Mlle Dietrich bien vivante, mais souffrant de malnutrition et s’occupant, en plus, d’une tante de 95 ans. Un message a été envoyé à Paris à sa fille, qui a immédiatement pris un vol pour Berlin sur la navette militaire, car elle était alors à l’USO. Lorsque son heure d’arrivée estimée a été connue à l’aéroport de Tempelhof à Berlin, j’ai rassemblé Frau von Loesch et deux photographes et les ai emmenés à sa rencontre.
Frau Von Loesch a reçu l’instruction de se tenir seule sur le grand tablier en ciment de la piste et j’ai demandé à la tour de faire venir une navette pour elle.
Lorsque sa fille est sortie de l’avion comme une balle hors d’un fusil, cela a fait l’une des réunions les plus touchantes de la guerre.
Plus tard, lorsque le général Gavin et moi étions à Londres, deux messages terribles nous ont été transmis – l’Armée avait choisi la 101e Division aéroportée comme unité aéroportée d’après-guerre de l’armée régulière afin que la 82e soit démantelée et Frau von Loesch était décédée.
Alors que notre avion nous ramenait à Berlin, le Général Gavin, comme toujours et avec son propre chagrin de voir la division qui faisait tellement partie de lui abandonnée dans l’oubli, s’est tourné vers moi et m’a dit: “Faites tout ce que vous pouvez pour elle”. Il n’a pas dit son nom, mais il était évident qu’il parlait de Frau von Loesch. Après tout, le règlement de non-fraternisation existait et aucune interrelation juridique n’était possible entre les Américains et les Allemands, même en ce qui concerne l’enterrement des morts.
Une fois au sol à Berlin, nous avons appris que Mlle Dietrich arrivait en avion. Il n’y avait pas beaucoup de temps. J’ai demandé à quatre parachutistes de la 82e Division aéroportée d’aller dans un cimetière voisin et de creuser une tombe. Un entrepreneur de pompes funèbres allemand a été contacté pour remplir son rôle, qui comprenait l’embauche de trois pleureuses professionnelles, qui faisaient partie de ces cérémonies.
Sous le couvert de l’obscurité, les quatre parachutistes se sont rendus dans l’appartement du deuxième étage autrefois occupé par Frau von Loesch, où son corps reposait dans un cercueil en planches. Ils ont pris le cercueil dans les escaliers raides, l’ont placé avec respect dans un camion et l’ont transporté au cimetière, où il a été placé dans une tombe. Le soleil était sur le point de se lever sur la morne scène, alors ils se sont cachés.
Marlene Dietrich est arrivée, escortée par William Walton, correspondant de guerre du magazine Time. Il avait sauté avec le 82e en Normandie et puisqu’il était membre de la presse, assister à un enterrement allemand ne serait pas retenu contre lui.
La cérémonie fut très brève. Mlle Dietrich pleurait constamment. À la fin du service, elle et William Walton ont jeté des poignées de terre sur le cercueil, ont tourné le dos et sont partis. Cette nuit-là, les quatre parachutistes ont rebouché ce lieu de repos. C’était une scène macabre, car le cimetière avait été fortement bombardé par l’artillerie. Seule la tombe de Frau van Loesch était intacte.
Jusqu’à son dernier jour – Marlène est décédée le 6 mai 1992 à Paris – Marlene Dietrich fut une admiratrice inconditionnelle de la 82nd. Les paras de cette division étaient capables de tout faire pour plaire à Marlène. Les funérailles de sa maman en sont une preuve, surtout que le règlement militaire américain de l’époque interdisait tout contact entre les G.I. et les civils allemands.
Peu de gens connaissent cette histoire. Tant de correspondants de guerre alors à Berlin ont écrit des histoires qui remettaient en question le choix de la 101e sur la 82e pour être envoyé sur le Théâtre du Pacifique, que le Quartier Général des Forces Terrestres de l’Armée a changé d’avis et a changé son choix ; celui-ci se portant désormais sur la 82e, annulant ainsi le choix de la 101e.
Finalement aucune des deux divisions n’aura l’honneur de partir pour le Pacifique, la guerre s’étant terminée avant qu’elle ne soit prête.
Vivre dans le quartier de la 82ème, c’était être intégré dans sa particularité, même les correspondants de presse purs et durs se laissaient prendre par cette ambiance spéciale. Ceux qui ont servi dans cette division sont en quelque sorte désolés pour tous ceux qui n’ont jamais pu le faire.
Esprit de caste ! Un certain mépris pour tous les autres soldats ! Capables de violer le règlement pour exécuter un ordre venant de la hiérarchie propre. Telles sont les caractéristiques principales des « All American ».
Marlène était très proche du Front le 16 décembre 44.
Elle était à Honsfeld. Quelques jours avant, elle avait donné une représentation à Bastogne et aussi à Eupen – Photo NARA
Insigne de la 82nd Airborne Infantry Division ‘’All American’’