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BRUMES ET NEIGE
Le temps, maître de la bataille
par Jules Metz (†)
Alias Monsieur Météo
(Extrait du supplément au n°291 du journal ‘L’Avenir du Luxembourg’
du jeudi 15 décembre 1994)


Jules Metz avait 70 ans
«Monsieur Météo est mort mercredi »

Brève biographie de l’auteur

Jules Metz s’est éteint ce 29 juin 1995, quelques jours après son septantième anniversaire. Pour des millions de Belges, cet ancien militaire a surtout été pendant longtemps celui qui faisait la pluie et le beau temps à la RTBF.

Surnommé «Monsieur Météo», on l’entendit à la radio avant qu’il n’occupe chaque soir l’écran pour quelques minutes, juste après le journal télévisé. On attendait avec impatience ses prévisions pour le lendemain mais aussi les savoureux dictons populaires qu’il glissait volontiers en guise de conclusion.

Jules Metz était né le 20 juin 1925 à Neufchâteau, dans la province de Luxembourg. Après des Humanités scientifiques, il gagna l’Angleterre sous les V1, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour s’engager dans la RAF où il servit comme… marin ! Il entra ensuite à l’armée belge où il devint, en 1946, observateur météorologiste à la Force aérienne. Il passa ensuite son brevet de prévisionniste et fréquenta un temps la Régie des Voies aériennes, une académie militaire américaine ainsi qu’une base de l’oncle Sam en Allemagne. Il compléta encore sa formation en étudiant la météorologie à l’ULB. Sa carrière s’orienta en 1967 vers la présentation de la météo à la RTBF où il créa le personnage de « Monsieur Météo». Il était à l’époque adjudant-chef au Wing météo de la Force aérienne. Il assura ensuite la direction des bulletins météorologiques diffusés au terme du JT. Cet homme plein d’humour avait pris sa retraite fin 1991. Cela ne l’a pas empêché de rester présent sur les ondes publiques dans les émissions «La Semaine infernale» et «Le Jeu des dictionnaires». Jules Metz était également l’auteur de plusieurs ouvrages à succès dont «Les Coulisses du temps», «La vérité sur le Triangle des Bermudes» et «Croyances, légendes et dictons de la pluie et du beau temps».

[…] La Luftwaffe n’ayant plus la suprématie aérienne, il est impératif de choisir [pour lancer l’Offensive] un moment et un lieu où l’aviation alliée sera dans l’impossibilité de prendre l’air (Ph.Bundesarchiv.)

L’Arado Ar 234 Blitz fut le tout premier avion à réaction opérationnel.
Á la fin du mois de décembre (le 24) 1944,
la ville de Liège va devenir la première agglomération de l’Histoire
frappée par un raid aérien mené par des avions à réaction.

Un P-47 de la 9th Air Force est extrait difficilement de la neige et de la boue qui l’immobilisent – (Photo 55802AC)

Même à l’aide d’un tracteur chenillé, le remorquage des avions jusqu’a leur point d’envol reste un travail long et fastidieux (Ph.USAAF)

Les deux photos ci-dessus illustrent bien la difficulté, voire l’impossibilité de mettre les avions en l’air en temps et en lieux adéquats.

L’Ardenne en hiver – (Photo FTLB)

Les météorologistes allemands consultés sont unanimes dans leurs conclusions : à partir de novembre, le mauvais temps sévit tout particulièrement sur l’Ardenne. Le brouillard et les nuages bas fréquents rendent les opérations aériennes difficiles, voire impossibles dans cette région. Suite à ce rapport, Hitler fixe lui-même le plan et le lieu de l’attaque : passant à travers l’Eifel et l’Ardenne, il veut atteindre Anvers en passant à l’est de Bruxelles.

Le 9 octobre, le général Jodl présente le projet définitif de l’attaque, préparé selon les instructions d’Hitler. Ce même jour, on décide de la date approximative de l’offensive et on entame les derniers préparatifs.

L’attaque, bénéficiant de l’effet de surprise et exécutée par un temps défavorable à l’aviation ennemie, devait permettre une percée rapide.
Le 16 décembre, une dépression et son système frontal influencent le temps sur la Belgique où il pleut la plupart du temps. En Haute Ardenne, la neige, parfois fondante tombe en abondance, la visibilité y est médiocre et les nuages bas sont au voisinage du sol. La nuit, le gel est présent partout, le vent modéré souffle du secteur sud.

L’aviation alliée est clouée au sol – Photo Ingenium

Ce mauvais temps, clouant l’aviation alliée au sol, fait, bien entendu, le bonheur des Allemands qui, dès 5.30 h du matin, dans la brume, à la lumière de puissants projecteurs [qui éclairaient les nuages bas qui, tel un miroir, reflétaient la lumière vers le sol, donnant ainsi une meilleure vision aux fantassins et aux tankistes allemands], attaquent sur un front de 140 km. [Entre Monschau (All.) et Echternach (GDLux.)].

L’attaque allemande au petit jour – Photo Bundesarchiv

Eliminant les interventions aériennes alliées, le mauvais temps gêne aussi considérablement les 1.200 parachutistes du lieutenant-colonel von der Heydte, dont la mission est de s’emparer de la Baraque-Michel et de permettre ainsi une conquête facile de Malmedy [Ce parachutage nommé Opération Greif avait aussi pour but d’arrêter les renforts américains qui seraient immanquablement envoyés du nord, comme la 1st Infantry Division (Big Red One) par exemple.]

Dix avions seulement atteignent l’objectif, les 95 autres sont abattus par la DCA ou se perdent. Finalement 200 parachutistes parviennent à se regrouper ; ils n’ont plus aucune chance d’exécuter leur mission.

Le 17 décembre, la neige, la neige fondante et la pluie tombent partout. Les conditions de vol sont médiocres à très mauvaises ; sans craindre les attaques des chasseurs-bombardiers [qu’ils surnomment Jabo (abréviation de Jagd Bomber = chasseur bombardier)], les blindés allemands progressent.

Le 18, la Belgique se trouve dans le secteur chaud de la dépression, la température de l’après-midi est de 8°C, le vent du sud-sud-est est faible, un brouillard épais et persistant maintient les avions au sol.

Le 19 décembre, la pression en hausse, annonçe l’approche d’un anticyclone et permet d’espérer une amélioration pour les jours à venir. Le brouillard, toujours aussi épais et givrant interdit tout décollage, le vent sans direction est faible, la température avoisine 10°C, le dégel temporaire observé l’après-midi gêne le déplacement des véhicules et tout particulièrement les tanks américains dont les chenilles sont pourvues de plaques de caoutchouc qui les rendent incontrôlables sur la glace fondante des routes. Problème que les Allemands ne rencontrent pas. Les Königstiger aux larges chenilles métalliques se déplacent sans difficultés.

Bastogne, objectif des trois divisions de la 5ème Armée de Manteuffel et de la division du général Bayerlein, est, malgré une progression ralentie par la boue, [et les embouteillages créés par une organisation maladroite], menacée à partir du 20 décembre. Malgré la hausse de pression, le brouillard réduit toujours la visibilité à quelques mètres.

L’Ardenne dans le brouillard d’hiver – Ph. Simon C.

Les 21 et 22 décembre, le front froid de la perturbation provoque de nouvelles chutes de pluie en plaine et de neige sur les hauts plateaux ardennais. Les conditions de vol restent très mauvaises, la température l’après-midi avoisine 3°C en Ardenne.

La situation dans Bastogne est dramatique Malgré la neige, dans la nuit du 22 au 23 décembre, la Luftwaffe bombarde la ville.

Le 23, il faut se résoudre à rationner les vivres, les médicaments et les munitions. Le froid vif accentue encore la situation misérable des combattants. Le général McAuliffe recommande à ses artilleurs : « Si vous voyez 400 Allemands à 100 mètres, vous pouvez tirer deux obus, pas un de plus ! »

Mais ce jour-là, le temps change enfin de camp. Le vent, en s’accentuant s’oriente au nord-est, faisant disparaître brume et brouillard et la visibilité s’améliore, les nuages se déchirent, les éclaircies s’élargissent de plus en plus, les conditions de vol sont parfaites dès midi.

Les parachutages commencent. Bastogne, ravitaillée en vivres et en munitions est sauvée grâce à cette amélioration du temps. Le gel devenu permanent durcit le sol et permet aux blindés de se déplacer plus rapidement. Le 26 décembre, le Combat Command B de la 4ème Division blindée du colonel Abrams entre dans Bastogne. Le 27, le siège est terminé [mais pas la bataille pour Bastogne].
Le mois de janvier 1945 peut-être qualifié de très anormalement froid, le vent souffle le plus souvent du secteur nord. Il neige pendant 12 jours. Le 11 janvier 1945, la température descend jusqu’à -20°C sur les hauteurs ardennaises, la nuit et atteint à peine 5°C l’après-midi.

Malgré la rigueur du temps, les Américains reprennent le terrain conquis, ville par ville. Le 4 janvier, obtempérant aux ordres d’Hitler, les Allemands livrent une dernière bataille pour prendre Bastogne. Le lendemain, la neige qui tombe en abondance et le gel permanent n’empêchent pas les Américains de bloquer définitivement les panzers et l’infanterie allemands.

Le 8 janvier, la neige est toujours présente, le froid s’accentue, la température l’après-midi avoisine -3°C et descend la nuit à -10°C ; le vent souffle du nord et accentue l’impression de froid. Hitler autorise enfin le retrait de la 5.Armée. Privés de carburant, les Allemands incendient leurs véhicules et battent en retraite à pied [ ou en chariots hippo-tractés ], retraite rendue pénible par la morsure du froid et l’épaisseur de la couche de neige

Le temps en changeant de camp à partir du 23 décembre avait permis aux Alliés de sauver Bastogne et d’accélérer l’échec de l’offensive des nazis

SOURCES

  • Site : LeSoirmag.be
  • Journal L’Avenir du Luxembourg – du jeudi 15 décembre 1994
  • Photo de Monsieur Météo : J.P. Van Gorp
  • Site Avionslégendaires – par Arnaud
  • Ardennes 1944-De Nuages et de Feu – Philippe Guillemot – Ed.Heimdal, Bayeux (Fr.) 2018

NB : Les notes placées entre [crochets] sont des précisions du présentateur

Une présentation de Roger Marquet

Un combattant américain dégivre sa mitrailleuse… tâche de routine pendant la Bataille des Ardennes – (Photo USArmy)

Casse-croûte dans le blizzard sur le front d’Ardenne en janvier 1945 – (Photo USArmy)

À Vaux-sur-Sûre aussi, il fait froid !- (PhotoUSSC)